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Hironobu Sakaguchi, directeur des dix premiers Final Fantasy, fonde un studio et annonce deux projets d’envergure sur Xbox 360. Est-il nécessaire de préciser que le bonhomme est alors attendu au tournant ? Si Blue Dragon n’était qu’une mise en bouche, Lost Odyssey se devait de faire définitivement entrer Mistwalker dans la cour des grands, une cour qui lui permettrait de tutoyer bien évidemment Square Enix et, pourquoi pas, lui donner quelques leçons de RPG. Les fanboys espéraient énormément de Lost Odyssey, les sceptiques espéraient au moins un bon jeu. Au final, qu’en est-il ? Les lignes qui suivent sont là pour répondre à ces interrogations.



~ Où sont tes parents mon enfant ?



Avant de parler à proprement dit de Lost Odyssey, arrêtons-nous rapidement sur ses géniteurs. Rares sont les titres à bénéficier d’un tel métissage de studios et de telles personnalités du monde vidéo ludique. Sous la houppe de Sakaguchi, nous trouvons un impressionnant paquet de prodiges que cela en donnerait presque des frissons aux fans du genre, en commençant par Nobuo Uematsu. Fondateur du studio Smile Please, le compositeur phare de Square Enix pendant des années a une fois de plus signé avec Mistwalker pour accompagner les différents événements qui surviendront pendant le jeu. Ces événements, bien qu’imaginés par Sakaguchi, ont été co-écrits pour certains par Kiyoshi Shigematsu. Nouvelliste à succès au Japon, ce charmant monsieur a rédigé l’intégralité du « Millénaire de rêves », à savoir divers textes relatant le passé du personnage principal. Ce dernier, à l’instar des autres protagonistes a trouvé sa genèse sous le coup de crayon de Takehiko Inoue à qui l’on doit notamment les mangas Slam Dunk et Vagabond. Pour finir ce petit encart sur le staff, il est évidemment nécessaire de parler de Feel Plus. Cette toute jeune société, au départ spécialement montée pour le développement de Lost Odyssey, est composée de transfuges de feu Squaresoft, Microsoft, Sacnoth et Sony. Legend of Dragoon, Shadow Hearts II et Legend of Mana sont autant de softs sur lesquels des membres de l’équipe ont participé.

Comment ne pas être enthousiaste à la vue de pareille réunion de talents ? Cependant, le passé nous a appris à nous méfier…



~ Il ne peut en rester qu’un



Lost Odyssey nous met dans la peau de Kaïm Argonar, un immortel de plus 1030 ans. Si vivre longtemps est un rêve inaccessible pour certains, il s’agit d’un véritable fardeau aux yeux de Kaïm. D’autant plus que la mémoire lui fait défaut. Seules les trente dernières années lui sont fraîches en mémoire. Avant n’est que trou noir. Il végète donc en endossant les habits d’Uhra, nation en guerre avec le royaume magique de Gohtza. Depuis la révolution magique et industrielle survenue plusieurs dizaines d’années plus tôt, ce dit royaume a fortement accru sa puissance militaire, infligeant à Uhra un fort complexe d’infériorité.




La bataille fait rage dans les montagnes. Les soldats s’affrontent de toutes leurs forces, Gohtza est en passe de prendre le dessus quand, tout à coup, un météore tombe sur le champ de bataille sans réellement crier gare. Les flammes vont annihiler toute vie, à l’exception de Kaïm.

En tant que rescapé, il sera nommé pour enquêter sur le lieu de fabrication du Grand Sceptre. Gigantesque infrastructure magique visant à offrir une puissance inégalée à Uhra, le Grand Sceptre serait, vraisemblablement, la seule entité capable de délivrer suffisamment de puissance pour faire apparaître pareil météore. Très vite, Kaïm va découvrir que le général Gongora n’est pas si irréprochable qu’il le laisse croire, et surtout va revivre, par l’intermédiaire de rêves, des bribes de son passé. D’autres immortels rallieront sa cause, au même titre que des humains, pour finalement former un groupe tout à fait hétérogène qui va se trouver bien vite un but.




Le scénario de Lost Odyssey nous emmène au beau milieu de conflits inter-pays pour le moins virulents, mais aussi et surtout dans une quête d’identité. Kaïm est l’exemple même du personnage blasé, amnésique, qui ne sait pas trop pourquoi et comment il en est arrivé là. Tout est à découvrir sur ce héros atypique. Toutefois, ses acolytes ne font pas que de la figuration. Ils auront tous (ou presque…) leur rôle à jouer dans l’histoire qui risque, chose rare, de vous faire verser quelques larmes. Sakaguchi voulait exacerber les émotions ressenties dans un jeu ; il faut croire qu’il y est arrivé. Mais nous y reviendrons plus tard. Pour l’heure, maintenant que vous savez de quoi il retourne, il serait bon de savoir à quoi Lost Odyssey

ressemble.



~ Comme d’habitude…



Blue Dragon et Lost Odyssey devaient être tellement classiques que n’importe quel profane pouvait débuter les RPG avec eux. Nous l’avions déjà remarqué avec Blue Dragon et nous le constatons également avec Lost Odyssey. Rares sont les éléments inédits dans ce jeu.



On dirige un héros dans des décors fixes. La traditionnelle alternance ville-donjon est respectée, entrecoupée de nombreux événements devant faire avancer le schmilblick. Une fois dans un donjon, les combats surviennent de manière aléatoire, accompagnés par l’habituel effet de distorsion. Les protagonistes attaquent chacun leur tour, chacun disposant d’un panel d’actions augmentant au fil de votre progression.

Sakaguchi a repris tous les codes de sa série fétiche, Final Fantasy. Sur le papier, on change le titre et on met Final Fantasy XIII : tout le monde n’y voit que du feu. En parlant de titres, il est d’ailleurs étrange que les deux séries possèdent toutes deux deux mots et qu’elles amènent une image de conclusion : la dernière fantaisie contre l’odyssée perdue. Une odyssée perdue ? La série Final Fantasy ? Qui sait…




Il semble donc apparemment difficile d’oublier ses habitudes. Mais, la référence est de qualité, donc aucune raison de nous plaindre. Sakaguchi va même jusqu’à insérer une carte du monde où les déplacements terrestres sont repris de FFX tandis que ceux à bord de véhicules rappelleront les épisodes Playstation.



Les plus fans noteront d’autres troublantes similitudes telles qu’une musique faisant fichtrement penser au thème des Chocobos, la présence d’un vieux mécanicien nommé Sed ou la présence des Kelolons dont l’ambition n’est autre que de remplacer les Tomberrys dans nos cœurs. De telles références, Lost Odyssey en est truffé. Rien de désagréable là-dedans, cela en est même amusant de les relever. Mais Mistwalker a tout de même cru bon d’apporter quelques bonnes idées à l’ensemble.



~ Murons notre défense



La première innovation notable se tient dans le système de combat. Bien que fondamentalement classique, il dispose d’un principe assez intéressant basé sur deux rangées de combattants et un mur défensif.

Jusqu’à cinq combattants pourront prendre part aux combats. Il vous faudra les répartir sur deux lignes, la seconde permettant de mettre à l’abri vos magiciens et tireurs. Si l’on pourrait penser que ceux-ci subissent moins de dégâts, il n’en est rien. Pourtant, grâce au mur défensif, il est réellement intéressant de les laisser à l’arrière. Voici la première petite innovation de Lost Odyssey.



Une jauge de mur est constituée par l’addition des points de vie des protagonistes se situant en première garde. A chaque assaut ennemi sur la première ligne, sera soustrait de la jauge le montant des dégâts. Plus elle descendra, plus les héros restés en arrière verront leur défense décroître pour, si le mur est détruit, atteindre le niveau normal. Remonter le mur ne pourra se faire que via sorts ou objets dédiés à cela ; tout ce qui est soin n’aura strictement aucun effet dessus.




Si cet aspect peut paraître anodin, en combat, il est indispensable d’en tenir compte. Bien des batailles ne seront remportées qu’en ayant pensé au préalable votre formation et votre mur de défense.



Autre élément propre à Lost Odyssey : les anneaux. Une fois équipés sur vos personnages, ils apparaîtront en combat pour améliorer la puissance de vos coups. Par une pression et un relâchement de la gâchette R, vous pourrez réaliser des « mauvais », « bon » ou « parfait » qui auront, comme leur nom l’indique une influence sur l’impact de vos coups.



Mis à part cela, le système de combat ressemble comme deux gouttes d’eau à du ATB made in FF. Vieux, mais finalement pas du tout vieillot et toujours agréable. Quand on voit certains succès tels que « pratiquez 1000 combats » ou « infligez un million de dégâts », on ne peut qu’être satisfait de ce système.



~ A l’aventure compagnons



Lost Odyssey vous amènera à visiter la plupart des terres du monde. Gohtza, Uhra, Numara, et la plupart de leurs dépendances seront foulées par vos paluches. Au cours de l’aventure, vous serez extrêmement guidé, à tel point qu’il vous sera très difficile de vous écarter du chemin principal jusqu’au quatrième DVD. Les véritables quêtes et donjons annexes vous seront alors ouverts.



Si achever Lost Odyssey ne prendra « que » 45-50 heures pour les plus rapides, il est tout à fait possible de ne voir le générique qu’après 80 à 90 heures tellement le nombre d’éléments à faire est considérable.




Le boostage des personnages est un élément important dans les RPG pour quiconque espérant achever les ennemis les plus forts. Cette règle est toujours de rigueur, à la seule différence que les niveaux étant bornés, il vous faudra peut-être un peu plus de temps qu’à l’accoutumée. De toute façon, il est préférable de prendre son temps pour savourer l’intégralité du jeu, le souci du détail étant pour le moins poussé, vous aurez sans cesse de nouvelles anecdotes à découvrir au fil de vos discussions et explorations.



Heureusement que pour vous accompagner Nobuo Uematsu a tenu à fournir un travail exemplaire. Battlefield, Fire above the battle, Neverending Journey, Parting Forever sont autant de pistes qui sauront vous marquer en laissant une indélébile trace dans votre vie de joueur. Si l’impact émotionnel du jeu est ce qu’il est, c’est en grande partie grâce à sa bande son. Après des compositions sympathiques mais sans grandes surprises pour Blue Dragon, le bonhomme a su retrouver son meilleur niveau. Un délice.



~ Feel Plus est jeune, vous savez…



Eh oui, si dans les grandes lignes, Lost Odyssey fait un sans faute, il titube sur nombre de détails qui peuvent en gêner plus d’un, en commençant par ses temps de chargement.

La polémique entourant le titre avait raison d’être : les temps de chargement sont relativement longs, et ce encore plus dans le quatrième DVD où ils atteignent parfois la dizaine de secondes. C’est assez perturbant et surtout « lourd » quand il s’agit d’enchaîner les combats. Chaque scène cinématique se voit également doter d’une longue préparation. Ce défaut d’optimisation saura énerver les moins patients.



Autre irrégularité à noter : les graphismes. Ils sont dans l’ensemble très bons. Le design plaît, ou pas, mais l’ensemble est plaisant à regarder. Malheureusement, si le début en met plein la vue, et si certaines scènes sont ébouriffantes, on relève tout de même beaucoup d’endroits bâclés. Je pense notamment à certaines cavernes et donjons qui auraient clairement pu être plus détaillés, plus fouillés et donc plus originaux. Alors est-ce que les développeurs ont manqué de temps ou de place ? On n’en sait rien. En tout cas, c’est plus que dommage.




Souci qui n’en sera un que pour certains : la lecture. Sakaguchi a toujours été un formidable conteur d’histoire. Dans Lost Odyssey, il a décidé d’amener une nouvelle sorte de narration en mélangeant l’habituelle – visuelle, à travers les scènes 3D et en images de synthèse – à celle faite via la lecture de nouvelles. Le Millénaire de rêves est le recueil des 31 textes que vous aurez le plaisir de découvrir. S’il s’agit là d’un des bienfaits de Lost Odyssey pour certains, d’autres trouveront irrémédiablement le procédé ennuyeux et anecdotique. Des jeux tels que Xenosaga nous demandent de subir les événements plus que de les vivre. Lost Odyssey propose une alchimie assez inhabituelle basée sur de nombreuses scènes cinématiques durant lesquelles il vous sera amené à jouer – notamment lors d’une cérémonie funéraire – ou qui seront rythmées par des entractes menés manette en main. Ces derniers, souvent courts, permettent de retrouver le contact des boutons et le rôle d’acteur. A côté de cela, il est possible de creuser l’histoire en lisant, comme dit plus haut, Le Millénaire de rêves mais également en faisant des quêtes annexes qui apporteront quelques détails supplémentaires.

Il arrive que les dialogues prêtent à sourire alors qu’ils ne devraient pas, que des baisses de rythme se fassent clairement sentir au sein du second DVD, et que quelques rêves présentent moins d’intérêt que les autres. En cela, il est légitime de dire que la narration est loin d’être parfaite, sans compter qu’elle est axée sur l’imaginaire et l’émotivité du joueur, mais Lost Odyssey n’est pas non plus fait pour plaire à tout le monde. Il est fait pour plaire à ceux qui n’ont pas peur de ressentir des émotions en jouant, de ressentir des frissons rien qu’en lisant un dialogue et de pleurer avec les héros.

Ce parti pris ne peut faire l’unanimité et constituera pour beaucoup un motif certain de rejet…



~ Essai transformé donc ?



Eh bien, oui. Malgré la jeunesse de Feelplus, leur savoir-faire est bel et bien là, sans compter sur le chaperonnage de Mistwalker. Lost Odyssey accumule peut-être les bourdes de jeunesse (graphismes inégaux, temps de chargement à déterrer un mort, maladresse de narration par instant), il n’en reste pas moins l’une des meilleures aventures du genre de ces dernières années tous supports confondus. Et vu l’excellence de la dernière génération de RPG, ce n’est pas rien. Sakaguchi a pour ainsi dire réussi son pari et donné une petite leçon à beaucoup de concurrents. La question qui demeure maintenant dans toutes les têtes : une suite ou pas ? Ceux qui auront fini le jeu espéreront que non – l’aventure se suffisant à elle-même – mais les lois du marketing étant ce qu’elles sont, tout est à envisager… Pour l’heure, nous avons Lost Odyssey et c’est déjà beaucoup.





Vidok