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Vous êtes, dans Lost Odyssey, confronté à de nombreux souvenirs, ces derniers apparaissant sous la forme d'une série de nouvelles accompagnées d'illustrations et de musiques. Il vous faut pour les trouver parler aux personnages non-jouables qui peuplent le monde de Lost Odyssey. Voici donc la liste des endroits où vous pouvez trouver ces différents souvenirs :



Le départ de Hanna

Dormez à l'auberge d'Uhra.
Les membres de la famille ont les larmes aux yeux lorsqu'ils accueillent Kaïm, de retour à l'auberge après son long voyage.



« Merci infiniment d'être venu. »



Il comprend immédiatement la situation.



L'heure du départ approche.



C'est trop tôt, bien trop tôt. Cependant, il le sait, ce jour devait finir par arriver, et dans un futur proche.



« Je risque de ne jamais te revoir », lui avait-elle dit avec un sourire triste lorsqu'il était parti en voyage, son visage souriant presque transparent tant il était blanc, si fragile, et par conséquent incroyablement beau, alors qu'elle était couchée dans son lit.



« Puis-je voir Hanna maintenant ? », demande-t-il.



L'aubergiste fait un tout petit signe de tête et répond :

« Je ne pense pas qu'elle vous reconnaîtra cependant. »



Il avertit Kaïm qu'elle n'a pas ouvert les yeux depuis la nuit dernière. À en juger par les faibles mouvements de sa poitrine, on peut en conclure que sa vie ne tient plus qu'à un fil qui pourrait se rompre à tout moment.



« Quelle honte ! Je sais que vous avez mis un point d'honneur à venir ici pour elle... »



Une autre larme coule le long de la joue de la femme.



« Cela ne fait rien », dit Kaïm.



Il a assisté à d'innombrables décès, et son expérience lui a appris beaucoup de choses.

Tout d'abord, la mort ôte le pouvoir de parler, puis la capacité de voir. Cependant, l'ouïe fonctionne jusqu'à la fin. Même si la personne a perdu connaissance, il arrive fréquemment que les voix de la famille lui arrachent un sourire ou des larmes.



Kaïm pose son bras autour de l'épaule de la femme et dit :

« J'ai beaucoup d'histoires à lui raconter sur mes voyages. J'ai attendu ce moment avec impatience quand j'étais sur la route. »



Au lieu de sourire, la femme laisse couler une autre grosse larme et fait un signe de tête à Kaïm : « Et Hanna était si impatiente d'écouter vos histoires. »



Ses sanglots étouffèrent presque ses mots.



L'aubergiste dit : « J'aimerais vous proposer de vous reposer de vos voyages avant de la voir, mais... »



Kaïm interrompt ses excuses :

« Bien sûr. Je vais la voir tout de suite. »



Il reste très peu de temps.



Hanna, la fille unique de l'aubergiste et de sa femme s'éteindra probablement avant le lever du soleil.



Kaïm pose son sac sur le sol et ouvre doucement la porte de la chambre de Hanna.



Depuis sa naissance, Hanna était frêle. N'ayant pas eu la possibilité de voyager, elle avait rarement quitté la ville ou même le quartier dans lequel elle était née et avait grandi.



Cette enfant ne vivra probablement pas jusqu'à l'âge adulte, avait dit le médecin à ses parents.



À cette petite fille aux traits extraordinairement beaux, dignes d'une poupée, les dieux avaient réservé un destin des plus tristes.



Le fait qu'elle soit née fille unique de propriétaires d'une petite auberge le long de la grande route était peut-être un petit acte de rédemption pour une telle injustice.



Hanna ne pouvait aller nulle part, mais les clients qui restaient dans l'auberge de ses parents lui racontaient des histoires sur les pays, les villes, les paysages et les gens qu'elle ne connaîtrait jamais.



Chaque fois que de nouveaux clients arrivaient à l'auberge, elle leur demandait :

« D'où venez-vous ? », « Où allez-vous ? »,

« Pouvez-vous me raconter une histoire ? ».



Elle s'asseyait et écoutait leurs histoires, les yeux brillants, les poussant toujours à lui en raconter plus avec ses « Et alors ? Et ensuite ? ». Lorsqu'ils quittaient l'auberge, elle les suppliait : « S'il vous plaît, revenez me raconter des tas d'histoires sur des pays lointains ! »



Elle se tenait là, faisant des signes de la main, jusqu'à ce que la personne disparaisse au loin, en bas de la grande route. Elle poussait alors un soupir, et retournait dans son lit.



Hanna dort à poings fermés.



Il n'y a personne d'autre dans la chambre, signe probable qu'elle a depuis longtemps franchi le stade où les médecins ne pouvaient plus rien pour elle.



Assis sur la chaise à côté de son lit, Kaïm dit en souriant :

« Bonjour Hanna, je suis revenu. »



Elle ne répond pas. Sa petite poitrine d'enfant se soulève et s'abaisse de manière à peine perceptible.



Il lui raconte : « J'ai vogué sur les mers cette fois. Sur l'océan, du côté où le soleil se lève. J'ai pris un bateau depuis un port très, très, très loin, de l'autre côté de la montagne que tu peux voir par cette fenêtre, et je me suis retrouvé en mer depuis le moment où la lune était pleine jusqu'à ce qu'elle rétrécisse de plus en plus, avant de redevenir de plus en plus grosse jusqu'à être pleine à nouveau. Il y avait l'océan à perte de vue, et rien d'autre. Rien que la mer et le ciel. Tu imagines Hanna ? Tu n'as jamais vu l'océan, mais je suis certain que les gens t'en ont parlé. C'est comme une énorme flaque incommensurable. »



Kaïm rit sous cape, et il a l'impression que la joue pâle de Hanna bouge légèrement. Elle peut l'entendre. Même si elle ne peut pas parler ou voir, son ouïe est toujours en vie.



Croyant et espérant que cette théorie est vraie, Kaïm poursuit le récit de ses voyages.



Il ne parle pas d'adieux.



Comme toujours avec Hanna, Kaïm sourit avec une douceur particulière qu'il n'avait jamais montrée à quiconque, et il continue de raconter ses histoires avec fougue, accompagnant parfois son récit de gestes exagérés.



Il lui parle de l'océan bleu.



Il évoque aussi le ciel bleu.



Il ne dit rien à propos de la violente bataille qui teinta l'océan de rouge.



Il ne lui raconte jamais ces choses-là.



Hanna était encore une petite fille lorsque Kaïm vint à l'auberge pour la première fois.



Lorsqu'avec son ton enfantin et son sourire innocent elle lui demanda d'où il venait et s'il pouvait lui raconter des histoires, Kaïm ressentit une douce chaleur l'envahir.



À cette époque, il revenait d'une bataille.



Plus précisément, il en avait terminé une et était en route pour la suivante.



Sa vie consistait à voyager d'un champ de bataille à un autre, et rien de tout ça n'a changé à ce jour.



Il a ôté la vie d'innombrables troupes ennemies, et assisté à la mort de nombreux compagnons sur le champ de bataille. De plus, la distinction entre les ennemis et ses compagnons ne tenait qu'à un minuscule coup du sort. Si le destin avait pris une tournure légèrement différente, ses ennemis auraient été ses compagnons, et ses compagnons ses ennemis. C'est le sort du mercenaire.



Épuisé spirituellement, il se sentait incroyablement seul. Étant immortel, Kaïm ne craignait pas la mort, qui était précisément la cause du visage distordu de chaque soldat effrayé, et la raison pour laquelle le visage de chaque homme qui mourait dans d'atroces souffrances était gravé à jamais dans son esprit.



D'ordinaire, il passait ses nuits sur les routes à boire. Abruti par l'alcool, ou faisant semblant de l'être, il essayait d'oublier l'inoubliable.



Cependant, lorsqu'il vit le sourire de Hanna qui le suppliait de lui raconter des histoires sur son long voyage, il se sentit bien plus apaisé qu'il ne l'aurait été grâce à l'alcool.



Il lui raconta beaucoup de choses...



À propos d'une jolie fleur qu'il avait découverte sur le champ de bataille.



À propos de la beauté ensorcelante de la brume qui envahit la forêt la veille de la bataille finale.



À propos du goût merveilleux de l'eau de source dans un ravin où ses hommes et lui s'étaient réfugiés après avoir perdu une bataille.



À propos d'un immense ciel bleu, sans fin qu'il avait vu après une bataille.



Il ne lui raconta jamais rien de triste, il se tut quant à la noirceur et la bêtise humaines dont il avait continuellement été témoin sur le champ de bataille. Il lui cacha son métier de mercenaire, ne lui donna jamais les raisons de ses voyages perpétuels, et parla uniquement de belles choses.



Il s'aperçoit maintenant qu'il n'a raconté à Hanna que des jolies choses pas tant par égard pour sa pureté, mais pour son propre salut.



Rester dans l'auberge où Hanna l'attendait devint l'un des petits plaisirs de la vie de Kaïm. En lui racontant les souvenirs qu'il rapportait de ses voyages, il ressentait un certain salut, aussi mince soit-il.



Cinq ans, dix ans, son amitié avec la fillette se poursuivit. Petit à petit, elle avançait vers l'âge adulte, ce qui signifiait que, comme l'avaient prédit les médecins, chaque jour la rapprochait un peu plus de la mort.



Et maintenant, Kaïm achève la dernière histoire de son voyage qu'il partegera avec elle.



Il ne la reverra plus et ne pourra plus lui raconter d'autres histoires.



Avant l'aube, tandis que la nuit est au plus sombre, le souffle de Hanna s'interrompt par de longues pauses.



Le fil très fragile auquel tient sa vie est sur le point de se rompre tandis que Kaïm et ses parents la veillent.



La petite lueur qui a réchauffé la poitrine de Kaïm va s'éteindre.



Ses voyages solitaires, ses longs, longs voyages sans fin, reprendront demain.



« Tu vas bientôt voyager toi aussi, Hanna », lui dit Kaïm avec douceur.



« Tu vas partir pour un monde que personne ne connaît, un monde qui n'a jamais fait partie des histoires que tu as entendues jusqu'à présent. Tu vas enfin pouvoir quitter ton lit et aller où tu veux. Tu seras libre. »



Il veut qu'elle sache que la mort n'est pas quelque chose de triste, mais quelque chose de joyeux mêlé à des larmes.



« C'est ton tour maintenant. N'aie pas peur et raconte à tout le monde les souvenirs de ton voyage. »



Ses parents feront le même voyage un jour. Et un jour, Hanna pourra rencontrer tous les clients qu'elle a connus à l'auberge, bien au-delà des cieux.



Moi, cependant, je ne pourrai jamais y aller.



Je ne pourrai jamais échapper à ce monde.



Je ne pourrai jamais te revoir.



« Ce n'est pas un au revoir, mais seulement le début de ton voyage. »



Il lui dit ces derniers mots.



« Nous nous reverrons. »



Voilà le dernier mensonge qu'il lui raconte.



Hanna part.



Son visage affiche un sourire tranquille comme si elle lui avait répondu :



« À bientôt. »



Ses yeux ne se rouvriront jamais. Une unique larme coule lentement le long de sa joue.



Fin.


Le retour d'un héros

Parlez au soldat dans le bar d'Uhra.
Seul noyé dans la foule, en retrait dans un coin de la seule taverne de la vieille ville, Kaïm déguste son verre.



Un homme massif franchit la porte de la taverne. Il revêt la tenue d'un guerrier. Son uniforme souillé témoigne d'un long périple. Son visage est marqué par la fatigue, mais la lueur dans ses yeux est intacte, celle d'un combattant en service.



Dans la taverne, le vacarme s'interrompt instantanément. Avec respect et gratitude, tous les regards ivres se tournent vers le soldat.



La grande guerre avec le pays voisin a enfin cessé et les hommes qui ont combattu au front reviennent chez eux. C'est le cas de ce militaire.



Le soldat s'assoit à la table voisine de Kaïm, et avale une lampée d'alcool avec toute l'énergie d'un homme qui a l'habitude de boire pour endormir la douleur.



Deux, trois, quatre verres...



Un autre client s'approche de lui, une bouteille à la main, un sourire enjôleur aux lèvres : le gros dur typique qui se croit malin.



« Laissez-moi vous offrir un verre, en signe de gratitude pour vos efforts héroïques pour la patrie », propose l'homme d'un ton doucereux.



Sans esquisser un sourire, le soldat se laisse servir.



« Comment c'était au front ? Je suis sûr que votre bravoure s'est illustrée sur la champ de bataille. »



Le soldat vide son verre en silence.



Le gros dur remplit de nouveau le verre et un sourire encore plus servile se dessine sur son visage.



« Maintenant qu'on est amis, que diriez-vous de me raconter quelques histoires de guerre ?



Vos bras sont si robustes, combien de soldats avez-vous tu... »



Sans prononcer un mot, le soldat crache le contenu de son verre au visage de l'homme.



Le gros dur s'emporte et de rage sort un couteau.



À peine a-t-il le temps de le dégainer, que le poing de Kaïm le propulse dans les airs.



Face à la puissance de Kaïm et du soldat, le gros dur s'enfuit en marmonnant dans injures.



Les deux hommes immenses le regardent s'enfuir, puis échangent un léger sourire. Kaïm n'a pas besoin de discuter avec le soldat pour savoir qu'il est habité d'une profonde tristesse. De son côté, le soldat qui a plusieurs fois déjoué la mort, distingue l'ombre qui obscurcit le visage de Kaïm.



Le vacarme de la taverne ressurgit.



Kaïm et le soldat se resservent à boire.



« J'ai une femme et une fille que je n'ai pas revues depuis que j'ai embarqué », dit le soldat. « Ça fait trois longues années. »



Pour la première fois, il affiche un sourire discret alors qu'il sort de sa poche une photographie de sa femme et sa fille pour la montrer à Kaïm : l'épouse est une femme entre deux âges, la fille est encore très jeune.



Elles sont ma raison de vivre.

La pensée de les retrouver en rentrant m'a aidé à survivre au combat. »



« Habitez-vous loin d'ici ? »



« Non, mon village est au-delà du prochain col. Je suis sûr qu'elles savent que la guerre est finie. Elles doivent trépigner d'impatience de me revoir. »



Il aurait pu y être dès ce soir s'il le désirait vraiment. Il était si près.



Le soldat avale une gorgée d'alcool et gémit.



« Mais... j'ai peur. »



« Peur ? De quoi ? »



« Je veux retrouver ma femme et ma fille, mais j'ai peur qu'elles me voient.



Je ne sais pas combien d'hommes j'ai tué ces trois dernières années. Je n'avais pas le choix. C'était mon seul moyen de survivre. Si je désirais revoir ma famille, je n'avais pas d'autres choix que de tuer les soldats ennemis les uns après les autres, et chacun de ces hommes avait une famille au pays. »



C'était le code de la guerre, le destin d'un soldat.



Pour rester en vie au combat, il faut tuer avant d'être tué.



« Je n'avais pas le temps de penser à de telles choses au front. J'étais trop occupé à essayer de survivre. Cependant, j'en ai conscience maintenant que la guerre est finie. Trois années de péchés laissent des cicatrices. Voici le visage d'un tueur que je souhaite dissimuler à ma femme et ma fille. »



D'un petit sac en cuir, le soldat sort une petite pierre.



Il raconte à Kaïm que c'est une pierre brute non polie, une pierre qu'il a trouvée peu de temps après être parti pour le champ de bataille.



« Une pierre brute ? » demande Kaïm sans grande conviction. La pierre sur la table est terne et n'est absolument pas rutilante comme un joyau est censé l'être.



« Elle scintillait quand je l'ai trouvée. J'étais persuadé que ma fille l'adorerait quand je la lui rapporterais à la maison? »



Petit à petit cependant, la pierre a perdit de son éclat et ternit.



« Chaque fois que je tuais un soldat ennemi, quelque chose comme une tache de son sang s'incrustait à la surface de la pierre. Comme vous pouvez le constater, elle est presque toute noire aujourd'hui, après trois ans. La pierre est entachée de mes péchés.

Je l'appelle ma pierre des péchés. »



« Vous n'avez pas à être si dur envers vous-même », dit Kaïm.



« C'était votre seule option pour rester en vie. »



« Je le sais », dit le soldat. « Je le sais bien, mais tout de même... tout comme moi, les hommes que j'ai tués vivaient dans des villages où leur famille les attendait... »



Le soldat dit alors à Kaïm : « Vous aussi, je suppose. Vous devez avoir une famille. »



Kaïm secoue légèrement la tête et dit : « Pas moi. Aucune famille. »



« Un village au moins ? »



« Je n'ai nulle part où aller. »



« Un éternel voyageur, hein ? »



« Hé hé. C'est tout moi. »



Le soldat rit doucement et lance à Kaïm un sourire amer. C'est dur de dire à quel point il croit ce que Kaïm lui a raconté. Il glisse la « pierre des péchés » dans le sac de cuir et dit :



« Vous savez ce que je pense ? Si la pierre est devenue plus sombre à chaque fois que j'ai pris une vie, elle devrait s'éclaircir à chaque fois que je sauve une vie. »



Au lieu de répondre, Kaïm finit son verre et se lève de table. Le soldat reste assis et Kaïm, le regardant fixement, lui donne ces quelques conseils :



« Si vous avez un chez-vous, vous devriez y aller. Rendez-vous-y quel que soit le poids de la culpabilité qui pèse sur vos épaules. Je suis sûr que votre femme et votre fille comprendront. Vous n'avez rien d'un criminel. Vous êtes un héros : vous avez mis tout votre coeur au combat pour rester en vie. »



« Je suis heureux de vous avoir rencontré », répond le soldat. « J'avais besoin d'entendre ces paroles. »



Il tend la main droite à Kaïm qui lui serre volontiers.



« J'espère que votre périple se déroulera bien », dit le soldat.



« Et le vôtre prendra bientôt fin », enchaîne Kaïm en se dirigeant vers la porte avec un léger sourire.



C'est alors que le gros dur attaque Kaïm par derrière en brandissant un pistolet.



« Attention ! », hurle le soldat en se précipitant vers Kaïm.



Quand Kaïm fait volte-face, le gros dur vise et crie :

« Personne ne me traite comme ça, sale enfoiré ! »



Le soldat s'interpose entre les deux hommes et prend une balle dans l'estomac.



C'est ainsi que comme il le souhaitait si désespérément, le soldat sauve une vie.



L'ironie du sort veut qu'il sacrifie sa précise vie pour Kaïm, un homme qui ne peut ni vieillir, ni mourir.



Étendu sur le sol, presque inconscient, le soldat dépose le petit sac en cuir dans la main de Kaïm.



« Prenez soin de ma pierre des péchés, s'il vous plaît.



Peut-être... peut-être », dit il en riant faiblement, « que son éclat est un peu revenu. »



Son rire le fait s'étrangler et cracher du sang.



Kaïm regarde dans le sac et dit :

« Elle est rutilante maintenant. Magnifique. »



« Vraiment ? », gémit le soldat. « Bien. Ma fille sera si heureuse... »



Satisfait, il sourit et tend la main vers le petit sac.



Doucement, Kaïm dépose le sac au centre de sa main et replie les doigts de l'homme dessus.



Le soldat pousse son dernier râle et le sac tombe par terre.



Le visage du défunt est paisible.



La pierre cependant, la pierre des péchés qui appartenait à l'homme et qui a glissée du sac, est plus noire que jamais.



Fin.


Fleurs Blanches

Parlez aux personnes sur les bancs du jardin d'enfant d'Uhra, dans la zone résidentielle.
Les jolies fleurs blanches foisonnent dans la ville. Elles éclosent à tous les coins de rue, pas dans des parterres ni dans des champs réservés à leur culture, non, elles se mêlent naturellement et en abondance aux rangées de maisons, comme si constructions et fleurs étaient sorties de terre ensemble.



Le printemps vient de commencer et la neige s'attarde encore sur les montagnes avoisinantes, mais l'océan qui entoure délicatement les côtes sud de la ville est baigné d'un soleil resplendissant.



C'est une ville portuaire ancienne et prospère.



Encore aujourd'hui, ses quais voient de nombreux paquebots et cargos aller et venir chaque jour.



Son histoire, cependant, se divise très distinctement entre « avant » et « après » un événement qui a eu lieu il y a bien longtemps déjà.



Ici, les gens ne préfèrent pas parler de ce tournant décisif gravé dans la chronologie de la ville.



Les souvenirs sont trop pénibles pour en faire des histoires.



Kaïm, lui, connaît l'histoire, et parce qu'il la connaît, il est revenu.



« De passage ? », lui demande l'aubergiste.



Au son de sa voix, Kaïm répond par un léger sourire.



« Vous êtes ici pour la fête, je suppose. Je vous conseille de prendre votre temps et d'en profiter. »



L'homme est de bonne humeur. Verre après verre, il s'est mêlé à ses clients et son visage est déjà bien rouge, mais personne ne semble lui en vouloir de se faire plaisir. Chaque siège de l'auberge est occupé et les rires résonnent dans l'atmosphère. De temps en temps, on entend aussi les voix enjouées de la route, à l'extérieur.



La ville entière festoie. Une fois par an, la fête rend les gens heureux pendant toute la nuit, jusqu'à ce que le soleil se lève.



« J'espère que vous avez une chambre pour la nuit, Monsieur. Trop tard pour en trouver à cette heure-ci ! Tout est plein à craquer. »



« On dirait bien. »



« Ce n'est pas que quelqu'un soit assez fou pour passer une nuit comme celle-ci dans sa chambre, bien au chaud sous les couvertures. »



L'aubergiste fait un clin d'oeil à Kaïm comme pour dire : « En tout cas, pas vous, Monsieur, j'en suis sûr ! »



« Ce soir, ça va être la fête la plus grandiose et la plus folle de votre vie, et tout le monde est invité : les locaux comme les étrangers. Boisson, nourriture, jeu d'argent, femmes, dites-moi ce que vous voulez. Je ferai en sorte de vous satisfaire. »



Kaïm sirote son verre et ne dit rien.



Parce qu'il a prévu de rester éveillé tout la nuit, il n'a pas pris de chambre... même s'il n'a aucune intention de profiter de la fête.



Kaïm fera une prière une heure avant l'aube, au moment où l'obscurité est la plus noire et la plus profonde. Il quittera la ville, poussé par le soleil de l'aurore dardant ses rayons entre les montagnes et la mer, comme lors de sa dernière visite. À l'époque, l'aubergiste, qui, quelques minutes auparavant, disait à l'un de ses plus fidèles clients que son premier petit-fils allait bientôt naître, n'était lui-même qu'un enfant.



« Celle-ci, c'est pour moi. À la vôtre ! », dit l'aubergiste, remplissant le verre de Kaïm.



Il fixe Kaïm avec méfiance et dit : « Vous êtes bien venu pour la fête, hein ? »



« Non, pas vraiment », dit Kaïm.



« Ne me dites pas que vous n'en aviez pas entendu parler ! Vous voulez dire que vous êtes venu ici totalement par hasard ? »



« J'en ai bien peur. »



« En tout cas, si vous êtes venu ici pour faire affaire, n'y pensez même pas. Vous ne pourrez avoir aucune conversation sérieuse avec qui que ce soit une nuit comme celle-ci. »



L'aubergiste continue à expliquer en quoi cette nuit est si particulière.



« Vous avez dû en entendre parler. Autrefois, il y a très très longtemps, cette ville a été presque entièrement détruite. »



Deux sortes d'événements divisent l'histoire entre « avant » et « après » : le premier est la naissance ou la mort d'un personnage important, un héros ou un sauveur.



Le second est quelque chose comme une guerre, un fléau ou une catastrophe naturelle.



Ce qui a divisé l'histoire de cette ville, c'est un violent tremblement de terre.



Il est arrivé sans prévenir et n'a laissé aucune chance aux habitants paisiblement endormis.





Une crevasse s'est ouverte dans un grondement, et les routes et les constructions se sont effondrées.



Des incendies se sont déclenchés et propagés en un clin d'oeil.



Presque tout le monde est mort.



« Vous ne pouvez sûrement pas imaginer. Tout ce que je sais, c'est ce qu'on m'a dit à l'école. Mais qu'est-ce que la Fête de la Résurrection signifie pour un enfant ? C'est juste quelque chose qui est arrivé un beau jour. J'habite ici, et c'est tout ce que ça m'inspire, alors un voyageur comme vous ne peut sûrement pas commencer à imaginer à quoi ça ressemblait. »



« C'est comme ça qu'ils appellent cette fête ? La "Fête de la Résurrection" ? »



« Ouais. La ville est passée d'une ruine totale à ça. Toute la célébration tourne autour de cette renaissance. »



Kaïm sourit ironiquement à l'homme et sirote sa liqueur.



« Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ? », lui demanda l'aubergiste.



« La dernière fois que je suis venu, ils appelaient ça "l'Hommage au Tremblement de Terre". Ce n'était pas une fête avec ce genre de célébrations extravagantes. »



« Qu'est-ce que vous racontez ? Depuis que je suis gamin, ça a toujours été la "Fête de la Résurrection". »



« C'était avant que vous ne soyez assez vieux pour vous souvenir de quoi que ce soit. »



« Hein ? »



« Et avant ça, ils l'appelaient la "Consolation des Esprits". Ils brûlaient un cierge pour les défunts, et priaient pour qu'ils reposent en paix; C'était une célébration très solennelle avec beaucoup de pleurs. »



« Vous parlez comme si vous y aviez assisté. »



« En effet. »



L'aubergiste rit en reniflant bruyamment.



« Vous ne semblez pas ivre, mais vous ne devez pas avoir toute votre tête ! Maintenant, écoutez, c'est la nuit de la fête, alors je ne vais pas m'énerver parce que vous m'avez charrié, mais ne racontez pas vos histoires aux autres habitants de la ville. Tous nos ancêtres, les miens y compris, ont frôlé la mort. »



Kaïm sait très bien ce qu'il fait. Il savait que l'homme ne le croirait pas.



Il voulait juste découvrir, pour lui-même, si les gens d'ici se transmettaient toujours les souvenirs de la tragédie, si derrière leur visage rieur se cachait toujours la tristesse héritée de leurs aïeux.



Appelé par l'un de ses autres clients, l'aubergiste quitte Kaïm, non sans lui donner d'abord un avertissement.



« Faites bien attention à ce que vous dites, Monsieur. Vos propos pourraient vous attirer des ennuis. Vraiment. N'oubliez pas : le tremblement de terre a eu lieu il y a deux cents ans ! »



Kaïm ne lui répond pas.



Il préfère boire sa liqueur en silence.



Parmi ceux qui sont morts dans la tragédie deux cents ans plus tôt, il y avait sa femme et sa fille.



Des dizaines de femmes et des centaines d'enfants qu'il avait eus tout au long de sa vie éternelle, la femme et l'enfant qu'il avait ici comptaient particulièrement.



À cette époque, Kaïm travaillait au port.



Il n'y avait qu'eux trois : lui, sa femme, et leur petite fille. Ils menaient une vie simple et heureuse.



Personne ne pensait au lendemain. Les jours passaient et se ressemblaient. Tout le monde dans la ville vivait ainsi, la femme et la fille de Kaïm aussi, bien sûr.





Mais pour Kaïm, les choses étaient différentes. Justement parce-que sa propre vie était éternelle et que, par conséquent, il avait dû endurer la souffrance provoquée par d'innombrables adieux, Kaïm savait trop bien que dans la vie quotidienne des humains, il n'y avait jamais de « toujours ».



La vie que menait sa famille devait s'arrêter un jour. Elle ne pourrait pas continuer infiniment. Pourtant, ce n'était en aucun cas une raison d'être triste. N'ayant aucune emprise sur l'éternité, les humains savaient comment aimer et chérir l'instant présent.



Kaïm aimait tout particulièrement montrer des fleurs à sa fille, plus elles étaient fragiles et éphémères, mieux c'était.



Les fleurs qui naissaient avec l'aube et mouraient avant le crépuscule étaient partout dans cette ville portuaire : de jolies fleurs blanches qui foisonnaient au début du printemps.





Sa fille adorait les fleurs. C'était une enfant douce qui n'aurait jamais interrompue l'épanouissement de fleurs qui avaient luttées si fort pour éclore. Elle préférait les admirer des heures durant.



Cette année-là aussi...



« Regardez la taille des bourgeons ! Elles vont éclore dans peu de temps maintenant ! », dit-elle avec joie après avoir découvert les fleurs blanches sur la route près de la maison.



« Peut-être demain ? », se demanda Kaïm à voix haute.



« Absolument ! », répondit simplement sa femme. « Lève-toi de bonne heure demain pour vérifier ! »



« Quand même, pauvres petites fleurs », dit la fille. « C'est joli quand elles fleurissent, mais elles dépérissent presque aussitôt. »



« Peu importe », dit la femme de Kaïm. « C'est une chance de les voir éclore, c'est ça qui est amusant. »



« C'est peut-être amusant pour nous », répondit la fille. « Mais pense aux pauvres fleurs qui travaillent si dur pour s'ouvrir et fanent le même jour. C'est triste... »



« C'est vrai, tu as sûrement raison... »



Un vent de tristesse flotta un moment dans l'air, mais il se dissipa vite quand Kaïm se mit à rire.



« Le bonheur n'est pas la même chose que la longévité ! », clama-t-il.



« Qu'est-ce que ça veut dire, papa ? »



« Même si elle ne fleurit pas longtemps, la fleure est heureuse si, pendant cet instant, elle peut dévoiler les plus beaux pétales et libérer le parfum le plus exquis dont elle est capable. »



La fille sembla avoir du mal à saisir le sens de ces paroles et acquiesça simplement d'un petit soupir. Elle finit par sourire et dit : « Ça doit être vrai si tu le dis, papa ! »



Ton sourire est plus beau que n'importe quelle fleur épanouie.



Il aurait dû le lui dire.



Kaïm regretta plus tard de ne pas l'avoir fait.



Les mots qu'il avait prononcés d'un ton si désinvolte, il s'en rendait compte, s'avéraient presque prophétiques.



« Maintenant, petite demoiselle, dit-il, si vous vous levez de bonne heure pour admirer les fleurs demain matin, vous feriez mieux d'aller au lit dès à présent. »



« D'accord, papa, si je suis vraiment obligée... »



« Je vais me coucher aussi », dit la femme de Kaïm.



« D'accord, alors, bonne nuit, papa. »



Sa femme dit à Kaïm : « Bonne nuit, mon chéri, je vais vraiment me coucher maintenant. »



« Bonne nuit », répondit Kaïm, profitant d'un dernier verre pour apaiser la fatigue de la journée.



Ces mots furent les derniers que la famille partagea.



Un violent tremblement de terre frappa la ville avant l'aube.



La maison de Kaïm s'effondra en un amas de gravats.



Les deux êtres chers de Kaïm partirent pour cet autre monde lointain avant d'avoir pu quitter leur profond sommeil et sans avoir eu la moindre chance de lui dire : « Bonjour ».



Le soleil se leva sur une ville qui avait été détruite en un instant.



Parmi les décombres, les fleurs blanches que la fille de Kaïm aurait tellement voulu voir, étaient en pleine éclosion.



Kaïm pensa déposer une fleur sur le corps froid de sa fille en guise d'offrande, mais il y renonça.



Il ne pouvait se résoudre à cueillir une fleur.



Il prit conscience que personne, aucun être vivant sur cette terre, n'avait le droit de s'emparer de la vie d'une fleur qui n'allait vivre qu'une seule et unique journée.



Kaïm ne pourrait jamais dire à sa fille :

« Tu montes aux Cieux la première et tu m'y attends : je te rejoindrai bientôt. »





Il ne ressentirait jamais plus la joie de retrouver ses êtres chers.





Vivre un millier d'années signifiait supporter la souffrance d'un millier d'années de séparations.



Kaïm continua son long voyage.



Un nombre incalculable d'années et de mois passèrent : des années et des mois durant lesquels plusieurs guerres et catastrophes naturelles ravagèrent la planète. Les gens naquirent et moururent. Il s'aimèrent et furent séparés de ceux qu'ils aimaient. Nombreux sont les bonheurs et les peines. Les gens s'affrontèrent et se disputèrent sans cesse, de même qu'ils s'aimèrent se pardonnèrent. Ainsi était faite l'histoire, les larmes du passé devenaient peu à peu des prières pour l'avenir.



Kaïm continua son long voyage.



Au bout d'un moment, il pensa de moins en moins à la femme et à la fille avec qui il avait passé si peu de jours dans la ville portuaire. Cependant, il ne les oublia jamais.



Kaïm continua son long voyage.



Et au fil de ses voyages, il s'arrêta de nouveau dans cette ville portuaire.



Tandis que la nuit devenait plus profonde, le grondement de la foule s'intensifiait, mais maintenant qu'une lueur apparaît dans le ciel à l'est, sans prévenir, le bruit fait place au silence.



Kaïm se tient debout sur la place centrale de la ville. Les fêtards, eux aussi, s'y amassent peu à peu, jusqu'à ce que, presque avant qu'il ne s'en aperçoive, la place pavée de pierres ne soit bondée.



Kaïm sent qu'on lui tape sur l'épaule.



« Je ne pensais pas vous voir ici ! », dit l'aubergiste.



Alors que Kaïm lui sourit en silence, l'aubergiste semble quelque peu embarrassé et dit :

« J'ai oublié de vous dire quelque chose tout à l'heure... »



« Oh... ? »



« Enfin, vous savez, le tremblement de terre a eu lieu il y a très longtemps. Avant mon père et ma mère, avant même la génération de mes grands-parents. Ça peut sembler étrange de ma part, mais je n'arrive pas à m'imaginer cette ville en ruine. »



« Je vois ce que vous voulez dire. »



« Pourtant je pense vraiment qu'il peut y avoir des choses dans ce monde dont on peut se souvenir même si on n'y a pas assisté réellement. Comme le tremblement de terre : je ne l'ai pas oublié. Et je ne suis pas le seul. Il a beau s'être produit il y a deux cents ans, personne dans cette ville ne l'a oublié. On n'arrive pas à se l'imaginer, mais on arrive pas non plus à l'oublier. »



Au moment où Kaïm acquiesce de nouveau pour signifier à l'aubergiste qu'il l'a compris, une mélodie grave résonne sur la place. C'est l'heure à laquelle le tremblement de terre a détruit la ville.



Toutes les personnes rassemblées ici ferment les yeux, se tiennent la main et se mettent à prier, l'aubergiste et Kaïm y compris.



Les visages souriants de sa femme et de sa fille défuntes lui apparaissent. Pourquoi sont-ils si beaux et si tristes, ces visages qui croyaient de tout coeur qu'ils verraient le lendemain ?



La musique s'arrête.



Le soleil du matin s'élève au-dessus de l'horizon.



Et partout dans la ville, une multitude de fleurs blanches éclosent.



En deux cents ans, les fleurs blanches ont changé.



Les scientifiques ont avancé l'hypothèse que « le tremblement de terre a pu modifier la nature du sol », mais personne n'en connaît la raison avec certitude.



La vie des fleurs s'est rallongée.



Là où l'espace d'une journée suffisait pour les voir éclore et faner, elles restent maintenant en fleur pendant trois ou quatre jours.



Humidifiées par la rosée du matin, baignées par la lumière du soleil, les fleurs blanches s'évertuent à profiter de leur vie au maximum. Elles embellissent la ville, comme si elles s'efforçaient de vivre la portion de vie qui avait été arrachée à celles qui n'avaient jamais connues les « lendemains ».



Fin.


Dans la peau d'un captif

Après avoir obtenu le deuxième rêve (Le retour d'un héros), sortez du bar d'Uhra, puis retournez-y, allez au deuxième étage et parlez aux personnes présentes.
Il sait que ça ne sert à rien.

Pourtant, il ne peut réprimer cette pulsion qui monte en lui.



Il doit le faire, il doit jeter violemment son corps tout entier contre les barreaux.



Ça ne sert strictement à rien. Sa chair ne fait que rebondir contre les épais barreaux de fer.



« Numéro 8 ! Qu'est-ce que tu fabriques ? »



Les cris de colère du gardien résonnent dans tout le couloir.



On n'appelle jamais les prisonniers par leur nom, uniquement par le numéro de leur cellule.



Kaïm est le numéro 8.



Kaïm ne dit rien. Il préfère cogner son épaule contre les barreaux.



Les barreaux de fer massifs ne bronchent jamais. Ils se contentent de laisser une douleur assommante et lourde sur les muscles et les os parfaits de Kaïm.



Immédiatement, au lieu de crier à nouveau, le gardien souffle dans son sifflet, et les autres gardiens rappliquent de leur poste au pas de course.



« Numéro 8 ! Qu'est-ce qu'il te faut pour comprendre ? »



« Tu veux aller faire un tour dans la cellule disciplinaire ? »



« Ne me regarde pas comme ça. Essaie de résister, et je te garantis que ton séjour ici va être prolongé ! »



Assis sur le sol, les jambes à moitié étendues, Kaïm ignore les cris des gardiens.



Il est allé dans la cellule disciplinaire tellement de fois. Il sait qu'on lui a collé l'étiquette de « prisonnier à haut risque ».



Mais il ne peut s'en empêcher.



Quelque chose le tourmente au fond de lui-même.



Une chose piégée quelque part à l'intérieur de lui bouillonne et se contorsionne.



« Alors il paraît que toi, tu es un héros de guerre ! », dit un gardien.



« Et tu es bloqué ici. Alors, soldat de pacotille, qu'est-ce qui se passe ? On n'arrive à rien sans un ennemi en face de soi ? »



Le gardien à côté de lui se moque de Kaïm en riant.



« Dommage pour toi, mon pote, aucun ennemi ici. Aucun allié non plus. Tu es enfermé, tout seul. »



Une fois les gardiens partis, Kaïm se met en boule sur le sol, la tête dans les genoux, les yeux clos.



Tout seul...



Le gardien avait raison.





Je pensais être habitué à vivre seul. Au combat, sur la route.



Mais la solitude, ici, en prison, est plus profonde que toutes celles auxquelles j'ai dû faire face.



Et bien plus effrayante.



Des murs sur trois côtés, et derrière les barreaux, rien d'autre qu'un mur enveloppant le couloir étroit.



Cette prison a été conçue pour que les prisonniers ne puissent pas voir les autres, ni même ressentir leur présence.



La totale monotonie de ce qu'on voit paralyse également toute perception. Kaïm n'a aucune idée du nombre de jours qu'il a passés ici. Bien sûr le temps s'écoule toujours. Mais sans nulle part où aller, il ne fait que stagner à l'intérieur de lui.



La punition qu'inflige la prison à un homme n'est pas de lui ôter la liberté ni de le forcer à vivre dans la solitude.



La véritable torture est de devoir vivre dans un endroit où jamais rien ne bouge et où le temps ne s'écoule jamais.



L'eau d'une rivière ne va jamais croupir : enfermez-la dans un bocal, et c'est précisément ce qui arrivera.



Ici, c'est la même chose.



Certaines parties de lui-même, enfouies au plus profond de son corps et de son esprit, dégagent peut-être déjà une odeur pestilentielle.



Parce-qu'il en est conscient, Kaïm se relève et se jette inlassablement sur les barreaux.



En faisant cela, il sait qu'il n'a pas la moindre chance de briser un barreau.



Il n'a pas non plus l'intention de s'échapper de cette façon.



Pourtant, il continue, sans relâche.



Il ne peut s'en empêcher. Il doit le faire, encore et encore.



Juste avant que son corps ne percute les barreaux, pendant cette fraction de seconde, un souffle d'air frappe sa joue. L'air immobile bouge, ne serait-ce que pendant ce cours intervalle. Le contact de l'air est la seule chose qui donne à Kaïm une maigre notion du temps qui passe.



Les gardiens accourent, le visage noir de colère.



Maintenant, je peux voir des silhouettes humaines, à l'endroit même où il n'y avait rien d'autre qu'un mur. C'est suffisant pour m'aérer l'esprit. Ces gardiens le comprennent donc pas ?



« Très bien, numéro 8, direction la cellule disciplinaire ! On va voir si trois jours là-bas vont te remettre les idées en place ! »



Kaïm jubile à l'intérieur de lui-même et sourit en entendant les ordres.



Ils ne comprennent donc pas ? Je vais voir autre chose. Le temps va recommencer à s'écouler. Grâce à eux.



Kaïm rit très fort.



Les gardiens lui attachent les mains dans le dos, lui mettent des chaînes autour des chevilles et ils partent pour la cellule disciplinaire.



« Numéro 8 ! Qu'est-ce qui te fait rire ? »



« Ouais, arrête ça ! Ou ça sera encore pire pour toi ! »



Mais Kaïm continue de rire. Il rit à pleins poumons.



Si je remplis mes poumons d'un air nouveau, cette puanteur va-t-elle disparaître ?





Ou mon corps et mon esprit sont-ils déjà tellement pourris que je ne pourrai pas m'en débarrasser si facilement ?



Combien de temps vont-ils me laisser enfermé ici ?



Quand pourrai-je sortir ?



Sera-t-il alors trop tard ?



Quand tout en moi aura pourri, deviendrai-je moins un « homme » qu'un « corps » ?

Deviendrai-je un de ces cadavres que nos troupes abandonnent sur le champ de bataille ?



Kaïm peut à peine respirer.



C'est comme si l'air était extrait de sa poitrine et que la douleur atroce qui en découlait le faisait revenir du rêve à la réalité.



Ai-je déjà été en prison il y a bien, bien longtemps ?



Se demande-t-il à demi-mot, errant encore entre rêve et réalité.



Il a fait tellement de fois ce rêve, ou plutôt ce cauchemar.

Au réveil, il essaie de s'en souvenir, mais rien ne lui revient en mémoire. Pourtant, une chose est sûre, l'apparition de la prison et des gardiens dans le rêve est toujours la même.



Est-ce quelque chose que j'ai déjà vécu ?



Si oui, quand est-ce arrivé ?



Il ne peut pas le dire.



Quand il est bien réveillé, les questions qu'il s'était posées entre le rêve et la réalité s'effacent d'elles-mêmes de sa mémoire.



Il se lève dans un cri, la respiration saccadée, le dos de sa main essuyant les torrents de sueur sur son front, et tout ce qu'il en reste, c'est le frisson de terreur. C'est toujours comme ça.



Aujourd'hui encore...



Il marmonne des choses en essayant de déterrer le moindre souvenir enfoui dans un coin de sa mémoire : « Quelle vie ai-je pu vivre par le passé ? »



Aujourd'hui encore...



« Quelle vie ai-je pu vivre par le passé ? »



Fin.


Le retour d'une mère

Après avoir obtenu le quatrième rêve (Dans la peau d'un captif), sortez du bar d'Uhra, puis retournez-y, parlez à l'enfant et l'un de ses parents au comptoir.
Le garçon a perdu son sourire, bien qu'il refuse de l'admettre.



« Ne sois pas absurde, Kaïm.



Regarde ! Je souris, non ? »



Ses lèvres s'étirent et laissent apparaître le blanc de ses dents contre sa peau brune.



« Si ça, ce n'est pas un sourire, alors qu'est-ce que c'est ? »



Kaïm hoche la tête mais ne dit rien. Il tape l'épaule du garçon comme pour dire :

« Bien sûr, bien sûr. »



« Allez, regarde-moi bien. Je souris, non ? »



« C'est vrai. Tu souris. »



« Peu importe, laisse tomber. Allez, on y va. »



Le garçon est d'une nature gentille et ouverte.



Dès son arrivée, il est devenu ami avec Kaïm, tandis que les autres habitants de la ville ont préféré garder leurs distances avec l'« étrange voyageur ».



Bien sûr, le garçon n'a pas choisi Kaïm, qui est bien plus âgé que lui, comme compagnon de jeu.



Il mène Kaïm à l'auberge, qui n'a pas encore ouvert ses portes pour la journée.



« Je déteste te demander de faire ça, mais... est-ce que tu pourrais m'aider, s'il te plaît ? »

La voix du garçon semble avoir été entendue.



Dans l'auberge, un ivrogne hurle à gorge déployée. Il a l'air particulièrement mauvais aujourd'hui. Kaïm réprime un soupir et entre dans l'auberge.



L'homme sur le tabouret est le père du garçon. Encore une fois, il est déjà saoul à midi.

Le garçon est ici pour le ramener chez lui. Il regarde son père d'un air triste.



Kaïm place son bras autour de l'épaule du père et écarte discrètement la bouteille de whisky.



« Ça suffit pour aujourd'hui », dit-il. L'homme pousse le bras de Kaïm et s'effondre sur le bar.



« Je déteste les gars comme toi », dit-il.



« Oui, je sais », dit Kaïm. « Pourtant, il est l'heure de rentrer. Tu as assez bu comme ça. »



« Tu m'as entendu, Kaïm. Espèce de vagabond ! Je déteste les gars comme toi.



Je déteste vraiment les gars comme toi. »



Le père est toujours comme ça lorsqu'il est saoul, il insulte tous les « vagabonds », il cherche la bagarre, et finalement; il s'écroule sur le sol et s'endort. Son fils est trop petit pour le ramener chez lui.



Dans un soupir, Kaïm se retrouve une fois encore à supporter le poids du père ivre pour l'empêcher de tomber du tabouret.



Le garçon fixe son père, un mélange de tristesse, de colère et de pitié dans les yeux.



Lorsqu'il croise le regarde de Kaïm, il hausse les épaules comme pour dire :

Désolé de t'embarquer dans cette histoire encore une fois.



Mais Kaïm a l'habitude. Il a vu le père ivre mort presque tous les jours au cours de l'année, depuis le moment où le garçon et son père se sont retrouvés à vivre seuls.



« Bon, très bien... », dit le garçon avec un sourire forcé, comme s'il essayait lui-même de se résigner à accepter la situation.



« Pauvre papa...

...pauvre moi. »



Supportant le poids du père sur son épaule, Kaïm sourit au garçon et dit :



« Oui, mais toi, tu ne sors pas et tu ne te soûles pas comme il le fait. »



« Hum », fait le garçon en bombant le torse.



« Parfois, les enfants sont plus forts que les adultes. »



Le sourire de Kaïm s'élargit comme pour lui dire : Tu as raison.



« Bien sûr que j'ai raison », semble dire le sourire qu'il fait en retour.



Au cours de l'année, le garçon de dix ans a toujours fait le même sourire :



un sourire si glacial qu'il vous gèlerait la langue si vous pouviez y goûter.



La mère du garçon, la femme du père, a quitté la maison un an plus tôt.



Elle est tombée amoureuse d'un vendeur ambulant et a abandonné le garçon et son père.



« Maman en avait assez »,

dit le garçon avec pragmatisme, en analysant l'infidélité de sa mère.



« Elle en avait assez de faire toujours la même chose. Elle s'en est rendu compte quand elle l'a rencontré. » À l'âge tendre de dix ans, le garçon a appris que certaines histoires ne peuvent être racontées que sur ce ton pragmatique.



Le père était né et avait grandi dans cette petite ville et travaillait à la mairie. Il n'était pas spécialement doué, mais ce travail ne nécessitait pas un talent particulier, ni une grande vivacité d'esprit. Tout ce qu'il avait à faire, c'était obéir aux ordres avec attention et soumission. C'est ce qu'il fit, année après année, sans faire de vagues.





« Il disait qu'on vivait une vie « paisible », mais maman ne pensait pas la même chose.

Pour elle, notre vie était juste « ordinaire », sans superflu. »



Elle a été attirée par la vie du vendeur ambulant rusé.

C'était risqué et excitant, comme de marcher sur le mur d'une prison : un faux pas et on peut se retrouver derrière les barreaux.



« Papa a dit à maman que l'homme lui mentait, que tout ce qu'il voulait, c'était son argent, mais il n'a pas réussi à la convaincre. Maman ne pensait même plus à nous. »



Avec beaucoup de distance, comme s'il la portait à bout de bras, le garçon réfléchit à la tragédie qui frappa sa famille.



« J'ai entendu le dicton « l'amour rend aveugle », c'est vraiment le cas ! », dit-il en haussant les épaules et en lâchant un rire moqueur comme un adulte mature.



Kaïm ne dit rien.



« Les enfants devraient agir en fonction de leur âge » est un autre dicton, mais il ne serait pas vraiment approprié pour un garçon ayant perdu l'amour de sa mère.



Et même si Kaïm était supposé le conseiller, le garçon lui répondrait sûrement par un sourire forcé et dirait :





« Parfois, les enfants sont plus forts que les adultes. »



Pourtant, le père du garçon n'apprécie guère que son fils utilise des expressions d'adultes.



« Cette andouille a perdu tout ce qui faisait de lui un enfant. Il me méprise maintenant. Il me trouve pathétique. Au fond de lui, il se moque de moi parce que j'ai laissé filer ma femme avec un autre homme, sale gosse. »



Tout cela le travaille particulièrement quand il est soûl.



Son agacement dépasse de loin l'amour qu'il porte à son fils. Parfois, il gifle même le garçon, en tout cas, il essaie. Quand il est ivre, le garçon peut facilement esquiver ses gifles, et son père finit souvent étalé sur le sol.



Même noyé dans son océan d'alcool, il peut parfois devenir subitement sérieux et commencer à s'interroger.



« Dis, Kaïm, tu voyages depuis longtemps, hein ? »

« Oui, oui. »



« Et ça te plaît tant que ça ? Aller dans des villes inconnues, rencontrer des étrangers, ce n'est pas une vie... Est-ce merveilleux au point de vouloir tout abandonner pour vivre de la sorte ? »



Il demande la même chose, encore et encore. La réponse de Kaïm est toujours la même.

« Parfois, c'est très plaisant, parfois, beaucoup moins. »



Il ne sait pas quoi dire d'autre.



« Tu sais, Kaïm, je n'ai jamais mis un pied en dehors de cette ville. Pareil pour mon père, mon grand-père, mon arrière-grand père, et ceux qui ont précédé. On est toujours nés et on a toujours grandi ici. La famille de ma femme aussi. Ça fait des générations que nos racines sont ici. Alors pourquoi a-t-elle fait ça ? Pourquoi est-elle partie ? De quoi avait-elle tant besoin pour nous quitter, moi et son propre fils ? »



Kaïm se conte de sourire sans répondre. La réponse à une telle question ne peut pas se dire avec des mots. Il a beau essayer de l'expliquer, la raison pour laquelle certaines personnes prennent la route, sans pouvoir résister, ne peut être comprise par ceux qui n'ont pas cette pulsion. Le père fait simplement partie de ces gens qui ne comprendront jamais.



Incapable d'arracher la moindre réponse à Kaïm, le père replonge dans l'alcool.



« J'ai peur, Kaïm », dit-il. « Mon fils pourrait faire de même. Il pourrait partir et m'abandonner d'un jour à l'autre. Quand je l'entends parler comme un adulte, je suis tellement terrifié, je n'arrive pas à le supporter. »



Finalement, la mère du garçon revient.



Le vendeur ambulant a épuisé toutes ses économies, et quand il n'a plus eu besoin d'elle, il l'a quittée. Brisée physiquement et mentalement, il ne lui reste qu'un endroit où aller :

la maison qu'elle a abandonnée.



Avant son retour, elle écrit une lettre de la ville voisine. Après l'avoir lue à maintes reprises, les yeux imbibés d'alcool, son mari s'esclaffe.



« Bien fait pour cette garce. »

Il fait mine de déchirer la lettre devant Kaïm, sans la montrer à son fils.



Kaïm raconte tout au garçon et lui demande :



« Qu'est-ce que tu veux faire ?

Quoi que tu décides, je ferai en sorte que tu y arrives. »



« Quoi que je décide ? », répond le garçon avec son habituel sourire détaché.



« Si tu veux quitter cette ville, je me débrouillerai pour que tu aies assez d'argent pour tenir un moment », dit Kaïm. « Je peux bien faire ça. »





Il est parfaitement sérieux.



Le père n'a aucune intention de pardonner à sa femme. Le sourire fier et revanchard au coin des lèvres, il va certainement la repousser si elle apparaît.



Pourtant, Kaïm sait très bien que si la mère perd sa maison et quitte la ville une fois pour toutes, le père va replonger dans l'alcool, maudire l'infidélité de sa femme, pleurer sur son sort, reporter sa colère sur les étrangers et constamment révéler ses travers à son fils.



C'est ce que les longues journées passées sur la route ont appris à Kaïm. Voyager sans cesse implique de rencontrer de nouvelles personnes, et le père de l'enfant est certainement l'une des personnes les plus faibles qu'il ait rencontrées.



« Tu pourrais rejoindre ta mère et aller dans une autre ville.



Ou si tu voulais aller quelque part tout seul, je pourrais te trouver du travail. »

Selon Kaïm, les deux solutions seraient bien meilleures pour le garçon que de continuer à vivre seul, avec son père.



Pourtant, le garçon apparemment intrigué, regarde Kaïm droit dans les yeux, laissant apparaître ses dents blanches.

« Tu as voyagé longtemps, Kaïm, hein ? »

« Oui... »

« Toujours seul ? »

« Parfois seul, parfois accompagné... »

« Humm... »



Le garçon hoche légèrement la tête, et avec le sourire triste d'un adulte, dit :

« Tu ne comprends toujours pas, hein ? »



« Quoi ? »

« Tous ces voyages et tu ne comprends toujours pas la chose la plus importante. »





Son sourire triste devient à nouveau glacial.



Kaïm comprend finalement de quoi voulait parler le garçon trois jours plus tard.



Une femme à la mine fatiguée, les vêtements en lambeaux, se traine jusqu'au marché.



Les citadins reculent sur son passage en la fixant, elle se retrouve seule, au milieu d'un large cercle.



La mère du garçon est revenue.



Le garçon se faufile à travers la foule et entre dans le cercle.

La mère voit son fils, et ses joues, fanées par le voyage, laissent apparaître un sourire.





Le garçon fait un pas, puis un autre, vers sa mère décharnée et souriante.

Au début, il est hésitant, mais à partir du troisième pas, il se met à courir et il jette ses bras autour d'elle.





Il pleure. Il sourit. Pour la première fois.

Kaïm voit en lui le sourire lumineux d'un enfant.



« Je suis désolée. Je suis tellement désolée. Pardonne-moi, s'il te plaît... », l'implore sa mère, en larmes.





Elle sert sa tête sur son sein et dit, en souriant entre deux larmes :

« Tu as tellement grandi ! »





Puis, elle ajoute : « Je ne te quitterai plus jamais. Je resterai ici pour toujours... »



Des voix s'élèvent dans la foule.





Le bruit provient de l'auberge.



C'est au tour du père de fendre la foule et d'entrer dans le cercle.

Il est soûl.

Le pas chancelant il se dirige vers sa femme et son fils. Il fixe sa femme.



Le garçon est debout entre les deux, protégeant sa mère.

« Papa, arrête ! », hurle-t-il.

« Maman est revenue. Ça suffit, non ? Pardonne-lui, papa, s'il te plaît ! »

Sa voix est emplie de larmes.



Le père ne répond rien.

Le regard tourné vers les deux, il s'effondre à genoux, les bras grands ouverts. Il étreint sa femme et son fils.



Il étreint sa femme et son fils.

La famille déchirée est à nouveau réunie.





« Papa, ne nous serres pas si fort ! Ça fait mal ! »

Le garçon pleure et sourit.

La mère ne peut que sangloter.

Le père pleure dans sa fureur.





Apercevant la scène de l'arrière de la foule, Kaïm tourne les talons.



« Tu pas vraiment ? »,

lui répète inlassablement le garçon en accompagnant Kaïm jusqu'au bout de la ville.



« Oui. Je veux traverser l'océan avant que l'hiver n'arrive. »



« Papa te regrette déjà. Il dit que vous auriez pu devenir deux bons copains de bar. »





« Tu pourras boire avec lui quand tu seras plus grand. »



« Quand je serai plus grand, hein ? »,

le garçon penche la tête, un peu embarrassé, puis il murmure :

« Je ne sais pas si je vivrai encore dans cette ville. »



Personne ne le sait, bien sûr. Peut-être que dans quelques années, le père recommencera à passer ses journées à boire parce-que son fils aura quitté le domicile et sa famille.

Et pourtant...



Kaïm se rappelle d'une chose qu'il a oubliée de dire au père du garçon.



« On appelle ça un « voyage » parce qu'on a un endroit où revenir. Peu importe le nombre de détours, ou d'erreurs qu'une personne peut faire, tant qu'elle a un endroit où revenir, une personne peut toujours recommencer. »

« Je ne comprends pas », dit le garçon.



Kaïm se rappelle d'autre chose.



« Souris pour moi »,

dit-il une dernière fois en posant sa main sur l'épaule de l'enfant.



« Comme ça ? »

Il montre ses dents blanches, et ses joues se plissent.

C'est un beau sourire.





Il a finalement réussi à retrouver le sourire d'un jeune garçon.



« Maintenant, à ton tour, Kaïm. »

« Oui... bien sûr. »



Le garçon inspecte le sourire de Kaïm, comme pour lui donner une note.



« Peut-être un peu triste », dit-il. Le fait qu'il plaisante donne encore plus de force à ses mots.



Le garçon sourit à nouveau, comme pour donner un modèle à Kaïm.



« Bon, eh bien, dit-il en remuant la main, je vais faire des achats avec papa et maman aujourd'hui. »



Kaïm lui sourit aussi et s'en va.



Puis il entend le garçon dire son nom une dernière fois.

« Même si on se dit adieu, je ne vais pas pleurer, Kaïm !

Parfois, les enfants sont plus forts que les adultes. »





Kaïm ne regarde pas en arrière, sa seule réponse est un signe de la main.

L'expression du garçon aurait sûrement changé si leurs regards s'étaient croisés.





Il décide de jouer le dur jusqu'à la fin.



Kaïm prend la route.





Après une courte pause, son voyage sans endroit où revenir recommence.





Un voyage sans endroit où revenir, les poètes appellent ça le « vagabondage ».



Fin.


Petite menteuse

À la gare centrale d'Uhra, parlez à la femme assise sur un banc.



Les adeptes du vent

Aux Montagnes Ipsilon - Nord, vers le début, sur le côté droit, près d'un arbre.



Ils vivent dans des coquilles

Lorsque vous êtes emprisonné par l'armée de Numara.



Le mercenaire trop bavard

À Numara dans la grande rue, parlez à l'enfant sur le pont.



Ne m'oublie pas maintenant, entendu ?

À Numara, en allant du pont à la rue du canal.



Lettres d'un faible

À Numara dans la grande rue, en face de la boutique de Nalia (boutique d'objets), dans les escaliers au bord du canal.



Cloche du soir

En vous rendant à la forêt rouge, depuis la maison de Lirum.



La portraitiste des défunts

À Numara, sur le pont, regardez vers la mer.



L'île élégiaque

Au disque 2, en sortant de la forêt rouge.



Le rêve de Satie - Partie 1

Quand vous entrez au village de Tosca.



Le héros

À Tosca, parlez à un villageois quelque part dehors.



Le pain de mamie Coto

À Tosca, parlez à un villageois quelque part dehors.



Adieu, l'ami

À Tosca, au disque 2, au deuxième étage de l'auberge.



La tragédie du général boucher

La caverne noire, en y allant.



L'histoire du vieux Gréo

À Saman, parlez à un homme dans la boutique d'objets.



Le rêve de Satie - Partie 2

Sur le bateau parti de Saman, après le combat.



Pluie étincelante

À Saman, parlez au vendeur près du gros arbre.



Le classement des vies

À Gohtza, dans la basse cité, parlez à deux enfants qui discutent.



Le village proche des Cieux

Au disque 4, au centre du camp de réfugiés.



Les Pierres du Paradis

Au camp de réfugiés, à côté du feu, après avoir apporté de la nourriture à un homme incapable de se déplacer assez vite pour prendre sa ration.



Balise

Au camp de réfugiés, parlez à l'enfant dans la tente médicale.



De l'autre côté du mur

Parlez à un homme quelque part dans la grande rue d'Uhra.



Le chant des cigales

Aux Montagnes Ipsilon - Nord, avancez un petit moment, le rêve se déclenchera seul.



Retour du natif

À Numara, parlez à une vieille femme dans la grande rue.



La vie est une loterie

À Numara, dans la rue du canal.



La solitude de la Reine

Au disque 4, lorsque vous en avez fini avec les évènements de Numara.